C’est bien connu, il y a des becs sucrés et des becs salés. Il y a même des becs sucrés de compétition, comme moi, qui n’arrivent pas à finir un repas sans une note sucrée. Peut-on pour autant parler “d’addiction” au sucre et quels en sont les symptômes ?

Le sucre rend plus accro que la cocaïne ?!

Addict au cupcakesLe sucre agit comme les drogues : le goût sucré libère dans notre cerveau de la dopamine, un neurotransmetteur essentiel de la sensation de plaisir. Il active en parallèle les circuits neurologiques de la récompense et de la motivation.

Des expériences faites sur des rats toxicos, notamment par le professeur Serge Ahmed et son équipe à l’université de Bordeaux, ont montré que quand on met à leur disposition de l’eau sucrée et de la cocaïne (à laquelle ils sont déjà accros), les rats choisissent l’eau sucrée ! Donc, en ce qui concerne les rats, pas de doute pour les scientifiques, l’addiction au sucre est une réalité. Qu’en est-il pour l’homme ?

Que vous soyez plus ou moins bec sucré, le cerveau réagit au sucre de la même façon pour tout le monde : en produisant un rush de neurotransmetteurs, notamment la dopamine, qui crée une sensation de bien-être.

Le goût inné pour le sucré

On naît avec le goût du sucré. Il est ancré dans nos gènes primitifs. C’est la chimie de notre cerveau qui associe goût sucré et plaisir. En effet, jusqu’à ce qu’apparaissent les édulcorants de synthèse, le goût sucré était synonyme d’un aliment riche en calories et donc fournisseur d’énergie. Ainsi, pour nos ancêtres préhistoriques, un aliment sucré avait le double avantage d’être une bonne source d’énergie, tout en étant plus rarement empoisonné que les autres. Parmi les mammifères de notre quotidien, il n’y a à peu près que les chats qui ont évolué de telle façon qu’ils ne détectent plus le sucré.

Un risque de santé publique

Addiction au sucre
Shutterstock.com/Cathy Keifer

L’industrie agroalimentaire a bien compris l’attraction universelle au goût sucré. Elle use et en abuse pour nous vendre ses produits. En plus du sucre de table pas cher et en libre accès, le sucre ajouté est partout. De 1950 à 1995, la consommation de boissons sucrées, jus de fruits et nectars a été multipliée par 6 pour atteindre 50 l/an/personne.

La consommation de produits riches en sucres (gâteaux, crèmes glacées, sorbets,…) a augmenté encore plus. Elle passe de 1 kg/an/habitant en 1960 à 14 kg/an/habitant en 1995.1

Les scientifiques se posent la question d’un risque sanitaire de grande ampleur au vu du lien entre surconsommation de sucre et certaines maladies : diabète, infarctus, obésité, mais aussi problèmes dentaires, indigestion chronique, fatigue chronique, trouble immunitaire, déficience d’absorption du calcium et du magnésium, voire certains cancers.

La réticence des scientifiques à parler d’addiction au sucre

Pour parler de dépendance au sucre, comme on parle de dépendance à la cigarette, encore faut-il démontrer que les patients présentent les symptômes de l’addiction.

L’addiction est, avec la dépression, l’un des termes du vocabulaire psychiatrique les plus détournés de leur acception médicale dans les sociétés industrialisées.2

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Shoot de sucre
Shutterstock.com/Nedim Bajramovic

Le sexe, les paris, les jeux vidéos, Internet, le travail, le shopping : il y a tout un panel d’addictions comportementales. Est-ce un abus de langage ? Est-ce qu’à force on banalise l’addiction à tout ? L’addiction est une consommation pathologique qui entraîne une souffrance ou un handicap, et donc requiert une aide médicale.

Les accros sont incapables de contrôler leur consommation malgré les conséquences de celle-ci. D’un point de vue psychiatrique, on reconnait que le sucre peut générer des comportements alimentaires entraînant prise de poids et maladies. Qu’il produit des changements neurobiologiques qui ressemblent aux effets des drogues dures.

Mais on ne va pas jusqu’à parler de dépendance. Certains patients présentent bien des symptômes du manque quand ils essayent d’arrêter le sucre : douleurs (maux de tête, maux de ventre, douleurs articulaires), fatigue et étourdissements, dérangements gastriques, sautes d’humeur. Mais les médecins peinent à imputer ces symptômes au seul sucre.

Toutefois, rappelons qu’on a mis 20 ans à reconnaître que le tabagisme était une addiction. Alors la dépendance au sucre sera peut-être reconnue d’ici quelques années quand de vraies études cliniques d’ampleur sur la question auront été faites, et que le regard de la société sur le sucre passera enfin de plaisir inoffensif à possible poison.

Alors, ça existe ou pas l’addiction au sucre ?

Si je me base sur mon propre témoignage et celui d’autres accros au sucre, je peux défendre l’idée d’une accoutumance maladive au goût sucré. Voici mes symptômes :

  • Je peine à canaliser mes compulsions sans assistance.
  • Je perds le contrôle de ma consommation de sucre.
  • Cette perte de contrôle m’apporte une vraie souffrance psychologique.
  • Je veux arrêter mais je n’y arrive pas.
  • Mon goût du sucré a pris un caractère obsessionnel. Il a joué un rôle dans mon trouble du comportement alimentaire (boulimie).
  • Il a rendu mes relations sociales compliquées et même ma vie professionnelle difficile. Notamment par des angoisses d’être en présence de plats sucrées et de ne pas pouvoir me contrôler.
Homme mangeant du sucre
Shutterstock.com/Pressmaster

Une perte de contrôle qui entraîne souffrance et besoin d’assistance thérapeutique ? Que l’on appelle ça une addiction au sucre ou pas, il y a bien des personnes qui ont un problème avec le sucre. Une relation malsaine au goût sucré.

Le système de récompense lié au goût sucré est exacerbé et renforcé à chaque consommation. Rompre l’habitude est un combat. Appelons-ça une accoutumance maladive au sucré plutôt qu’addiction au sucre si on veut. Là n’est pas vraiment le problème de mon point de vue.

Mais prenons en compte la détresse dans laquelle ces personnes se trouvent et aidons-les. Oui, les comportements addictifs alimentaires sont bien une réalité et ont des conséquences graves sur votre santé physique et mentale.

Je vous laisse quand même sur une note positive ? On peut agir sur ces comportements. Car contrairement aux drogues dures, la désintox de l’addiction au goût sucré peut se faire progressivement, sans séquelles et dans la douceur ! ☀

.

.Sources :

(1) Rapport “Pour une politique nutritionnelle de santé publique en France “, Haut comité de la santé publique, juin 2000.
(2) Serge Ahmed, Peut-on parler d’addiction au sucre?, Pour La Science – n°423 – Janvier 2013
Serge Ahmed, Tous dépendants au sucre?, La Recherche – n°443 – juillet-août 2010
Science & Vie, n°21, Octobre-novembre-décembre 2016
Nicole M. Avena, Pedro Rada et Bartley G. Hoebel, Evidence for sugar addiction: Behavioral and neurochemical effects of intermittent, excessive sugar intake
Pour confirmer un diagnostic d’addiction, au moins 2 de 11 critères définis dans les manuels d’addictologie doivent être persistants sur une période de 1 an.
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Author: Jaina

Après avoir perdu plus de 25 kg en moins d'un an, j'ai dû apprendre à gérer mon addiction au sucre pour vaincre l'infernal effet yoyo. Pour cela, j'ai adopté un mode de vie low sugar. Je partage avec vous mes conseils pour une vie saine au top de votre forme !

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14 thoughts on “La vérité sur l’addiction au sucre

  1. Top ton article Jaina !!
    Je vous donne 2 pistes super efficaces pour sortir de la spirale de l’addiction au sucre :
    – Surveiller ses apports en chrome (une carence en chrome pousse à la consommation de sucre)
    – Augmenter son apport en feuilles vertes (salade, épinards, céleri branche, blettes,…)
    Kiss !

    Posted on 10 novembre 2016 at 11:44
    1. Merci Emilie !! 😀
      Comme toujours tu apportes de super conseils sur des points où je suis moins calée <3
      Je vais regarder les aliments qui apportent du chrome du coup ! (et tester la cure d'épinards XD).

      Posted on 11 novembre 2016 at 10:00
  2. Le problème vous concernant n’est pas le sucre mais le rapport que vous entretenez avec la nourriture. Vous pouvez tout à fait vous permettre de manger une sucrerie, gateau ou autre pâtisserie… sans conpromettre votre perte ou stabilisation de poids. Alors certes le fait de manger des aliments à IG élevés de manière isolée va déclencher une consommation excessive de sucre mais votre problème est la surconsommation. Tentez de trouver d’autres plaisir que ceux de la nourriture et surtout travailler sur ce qui ne va pas dans votre vie.
    Ce problème n’en n’est pas un, il masque de réels “problèmes” encore non résolus chez vous.

    Posted on 23 avril 2018 at 1:31
    1. Bonjour Laure,
      Je vous remercie pour votre commentaire. Je vais essayer de clarifier certaines choses.

      Cet article introductif a essentiellement pour but de se poser la question “y a t’il une vérité au terme addiction au sucre?” et ma conclusion est justement que s’il n’y a pas de consensus scientifique sur ce terme, il peut tout de même définir pertinemment la réalité psychologique que vivent de nombreuses personnes.

      Concernant la substance elle-meme et tous ses dérivés :

      On est d’accord, quand on parle “d’addiction au sucre”, on a jamais vu quelqu’un sniffer des petits sachets de sucre Daddy en poudre.
      Enfin… Quand on prend un bol de Nesquik (70% de sucre au 100g) avec 2/3 de Nesquik, 1/3 de lait et qu’on a le besoin de rajouter 2 cuillères de miel dedans pour “que ce soit assez sucré”, comme je le faisais, on est pas loin du shoot.

      Je maintiens : la recherche autour des propriétés addictives du sucre existe et il est tout à fait à propos d’en parler, même si aucune extrapolation à l’homme n’est pour l’instant officielle. De même, l’industrie agroalimentaire utilise notre attirance pour le goût sucré tout le temps, partout, et crée des produits avec des concentrations de sucre roccambolesques qui nous habituent à consommer du sucré et à rechercher toujours plus le goût sucré. On nous donne des concentrés de sucre que certains consomment trop régulièrement. En tant qu’espèce, n’avons jamais autant consommé de concentrations de sucre de notre histoire.
      L’effet neurochimique de ces concentrations n’est pas mon invention. Et les mêmes chercheurs qui l’étudient chez les animaux sont ceux qui s’inquiètent sur la corrélation possible chez l’homme.
      Sans parler d’addiction, le palais de beaucoup de personnes n’est plus calibré correctement au goût sucré.
      En ce sens, pour certaines personnes, la composante “déséquilibre nutritionnel et environnemental” peut être supérieure à la composante psychologique dans la recherche du sucré, dans la sensation d’avoir besoin de sa dose de sucré.

      Je défends une approche holistique, donc je vous rejoins sur la composante psychologique sous jacente (à des niveaux différents) de tout problème alimentaire.
      L’incapacité de renoncer à un plaisir immédiat “malgré soi” est quelque chose qu’on casse doucement avec un travail mental certes, mais le réalignement des bonnes habitudes nutritionnelles vient aider ce travail.

      “L’addiction au sucre” et la surconsommation :

      En lisant mon blog, vous verrez que d’un point de vue de la santé, je défends l’approche low sugar : une limitation quotidienne à 5% de ses apports issus des sucres libres comme recommandée par l’OMS.

      Vous me dites “vous pouvez tout à fait vous permettre de manger une sucrerie sans conséquence” : mais justement, si on prend l’exemple d’une personne pour qui le déséquilibre émotionnel est prédominant, son problème n’est pas (ou plus) toujours la surconsommation.
      Le problème de l’accro au sucre, c’est qu’il ou elle n’arrive pas à être dans cette neutralité par rapport à la consommation d’un met sucré. C’est le sentiment de perte de contrôle face au sucré, d’appréhension face à sa capacité de savoir dire non, d’échec dans le changement de ses habitudes, qui décrivent l’accro au sucre.

      “Addiction au sucre” et compensation :

      Si “travailler sur ce qui ne va pas dans sa vie” est un très bon conseil à appliquer absolument, il est un peu réducteur.
      Quand je coache des personnes, nous travaillons sur la gestion de ses émotions de façon globale, comme le sucré est un palliatif de premier choix dans l’alimention émotionnelle.
      Nous travaillons aussi sur le sentiment de privation et le rapport à l’alimentation en général.

      Voilà ! Ce que je veux faire passer, c’est que validation scientifique de ce terme ou pas, chaque personne qui a ce ressenti par rapport au sucré est en droit d’être prise au sérieux. Je vous invite à regarder mon article concernant “nutritionniste et addiction au sucre” où j’explique que la pire approche pour aider une personne qui se dit accro au sucre est de commencer en lui disant que son ressenti est faux.

      À bientôt !
      Jaina

      Posted on 23 avril 2018 at 1:50